lundi 26 janvier 2015

Elucubrations soporifiques de gamines corrosives.


La pluie sale s'écrase contre le double vitrage. Et le soleil n'a pas pointé son nez depuis quelques jours déjà. Je crois qu'il a du prendre un RTT. Ou peut être est-il simplement effaré par la laideur de ce monde. La nature semble s'être arrêtée. Plus rien ne bouge. Plus rien ne vit. Même le vent à cesser de souffler. Ne reste que le silence. Ce silence pesant qui se fait sentir, lorsque la tempête a pris fin, que tout est à terre. Et pourtant, les arbres sont encore debout. Bien qu'ils n'aient plus rien de bien fier, bien qu'ils semblent avoir perdu leur âme d'antan. Le paysage est fade, porte un goût de trop vu, de statique. Plus rien ne change. Plus rien n'évolue. L'hiver dure depuis une éternité. Et ne semble pas vouloir s'effacer pour laisser place à des jours nouveaux.

Et moi j'écris ces paysages fadasses, presque dégueulasses, qui aujourd'hui s'entassent entre mes lignes. Non, il n'y a pas de signification. Je le fais car c'est tout ce qu'il me reste, l'écris. Autrefois, j'avais plus que cela. Autrefois, j'ai connu le syndrome de la page blanche, celui qui montre enfin, que tu es guérie. Car écrire, car ce besoin de se vider - de vomir presque - sur ces quelques lignes des élucubrations sans intérêt est de l'ordre de la thérapie. Et tous les véritables écrivains vous le diront ; les gens qui vont bien n'écrivent pas, ils vivent la vraie vie pendant que nous, nous écrivons pour tenter d'oublier la réalité. J'ai peine à voir que tant d'enfants rêvent de savoir aligner les mots comme des grands noms de la littérature alors que eux ne jouent qu'avec des maux. Écrire est un symptôme. Ça n'a jamais été un gage de bonne santé mentale. Écrire est une sorte de rêve éveillé, prolongé. Écrire pour s'envoler, pour s'émerveiller. L'écrivain n'est pas quelqu'un de bien, ou de sain. Le bonheur n'a jamais été facteur d'inspiration. D'ailleurs, avez-vous déjà vu quelqu'un écrire sur le bonheur ? Et je ne parle pas de ces banales " Happy End " à l'américaine, bâclées et le plus souvent ratées, où le gentil héros américain qui après avoir zigouillé du petit doigt ce vilain terroriste du moyen orient, vient de sa langue nettoyer les amygdales de cette fille qui n'a d'imposant que sa poitrine charcutée.

Je parle d'un bonheur véritable. De A à Z. Je vous parle de ces gens qui sont capables de se réveiller le matin en souriant. Tout simplement. On écrit jamais sur le bonheur. On évite le bonheur. Il n'inspire personne et n'attire personne. Notre héros ne doit pas être heureux tout de suite. Il doit se battre et souffrir, longtemps. Se faire avoir, tomber, s'égratigner. Longtemps. Et pleurer. Surtout pleurer.


Le bonheur n'est pas vendeur. Inutile de s'acharner. Alors on écrit sur le désespoir humain. Et pour cela, il faut déjà être très atteint, et connaître son sujet. Voilà pourquoi les vrais écrivains ne sont pas des gens sains. Ils savent ce que c'est de souffrir, d'avoir mal, d'avoir le cœur pressé en permanence. Il faut être détraqué, ne jamais être pleinement satisfait. Connaître ce vide, permanent. Ne se contenter que de l'impossible. On ne trouve jamais rien sur le bonheur simple car il ne se partage pas. Trop personnel. Alors que la tristesse est universelle. On se fout clairement de ces gens heureux. On serait même prêt à leur offrir notre majeur levé. Et notre haine. Pourquoi auraient-ils droit à l'inaccessible ?


Je crois que je connais le bonheur ces derniers temps. Depuis un peu plus d'un an. Je suis heureuse. Vraiment. Mais je suis parfois vide. Vide de son absence. Lorsque l'on trouve la personne qui vous emplit, vivre sans est difficile. Encore plus qu'avant, lorsque l'on avait pas encore véritablement conscience de ce vide, lorsque l'on avait du mal à supporter l'existence sans se l'expliquer. Je suis vide. Je suis le néant. Je suis creuse. Et j'ai froid. J'ai froid loin de lui. J'ai froid loin de toi. Alors comme tout le monde, je compense l'absence. Je ferme les yeux et je pense à ce bonheur à venir. Pour quelques temps. Avant de me raccrocher de nouveau à mon néant. Je revois son visage, son sourire. Il est plein d'espoirs, son sourire. Il est beau, plein de vie. C'en est insolent. Et je l'aime pour cette insolence. Pour ce visage plein de " je m'en foutisme ". Mais je le déteste de ne pas être là, de m'avoir laissé seule. Seule et creuse. Alors je me venge où je peux. Je déverse ma difficulté sur cette page dont tout le monde se fout, que l'on jugera trop facilement sûrement, d'élucubrations soporifiques de gamines corrosives. Qui ont voulu le bien sans y parvenir. Ce doit être le propre de notre génération ; l'espoir sans le courage. Rêver du bien, l'imaginer, sans agir parce que ça ne sert à rien. Parce que quoi qu'on fasse, on aura mal. On a trop peur de souffrir, on se refuse à une mort lente. On veut finir vite, comme une balle de crâne qui fait tout sauter dans la tête. On ne veut plus se battre. On ne sait plus se battre. Parce que ça ne sert à rien. Parce qu'on a déjà perdu. Parce qu'on est déjà dénigré. À croire que même la vie n'a pas non plus besoin de nous.  





Morgane.© 



lundi 12 janvier 2015

Et après ?

Ce soir, j'écris ces quelques lignes pour tromper les démons de la nuit. Ceux d'une peur trop présente qui n'est que grandissante. J'ai cette volonté de profiter de chaque instant sans y parvenir. J'ai l'impression, parfois de vivre étouffée, de ne plus savoir crier, d'être obligée de suivre les chemins tracés, de rentrer dans les rangs. Je crains de ne m'être perdue dans tout ce que je fuyais. De ne plus rien voir, de me foutre de la misère comme si on l'avait normalisée. La vérité, c'est que j'ai peur. De tout. Et surtout des autres, et de ce qui pourrait arriver. J'ai peur de ne plus pouvoir croire en rien, de ne plus connaitre l'espoir. 

Hier, on a vécu la solidarité. On a vu ces peuples se lever et hurler leur peine, leur colère. Mais après ? Après on fait quoi ? On reprend l'existence là où on l'avait laissé pour que ne reste que les souvenirs ? Qu'on en parle, tous les ans avant d'oublier jusqu'à l'année suivante ? Rien ne sert de manifester s'il n'y a pas de continuité, de leçons qui sont tirées. A quoi bon défendre une cause si rien ne change ? ce n'est pas aujourd'hui qu'il faut se battre, mais tout le temps. On ne doit pas laisser ce cri s'estomper, s'oublier dans la nuit tombante pour repartir à zéro. Ce ne doit être que le début d'une lutte acharnée. Il faut continuer de souffler sur les braises encore chaudes pour que jamais elles ne s'éteignent. Pour qu'elles subsistent. Et nous portent, une fois encore. Dans les rues, le coeur plein d'espoir, la fleur au fusil. Qu'on continue à y croire, à combattre ce mal qui nous entache. Qu'on se lève véritablement. Et pour longtemps. Que ce ne soit pas l'histoire d'un moment.

Nous sommes le lendemain, nous sommes l'après Charlie. Nous sommes ce jour où dehors ne subsistent que les signes d'un espoir qui tente de s'encrer. Nous sommes le jour d'après, celui qui pourrait nous faire céder à l'oubli. Nous sommes ce moment où la vie reprend son court, où l'on se demande " Et après ? " Ce moment où trop facilement, on passe à autre chose, on panse ses blessures, et on avance. On oublie ce poison intense qui pourtant nos menace encore. On s'accroche, on rebouche les fissures en espérant ne plus jamais avoir à s'en préoccuper. Mais soyons lucides, les murs tremblent encore. Le mal n'est pas anéanti. Ne nous voilons pas la face, sans pleurer de nouveau. Alors n'oublions pas, n'oublions jamais cet espoir qui un temps nous a porté, qui un temps nous a fait nous sentir fort et grand. Qui nous a fait croire à un monde sans méchants.


Morgane. ©