dimanche 22 mai 2016

Requin-tigre #3

- Je sais pas. Je sais pas trop. Elle me manque. Sûrement. Sûrement trop. J'essaie de me convaincre du contraire. Ou de ne pas y croire. Le mieux, c'est de ne pas y penser. Il faut apprendre à se détacher. Il faut apprendre à oublier. Et pourtant, tout avait bien commencé. Je crois que même que ça n'a jamais aussi bien commencé. Elle était là, ce soir là, la peau diaphane et les lèvres électriques. J'aurais pu tuer pour son regard. Peut être est-ce arrivé. Je m'en souviens comme d'une nuit brulante, en plein mois de décembre. Elle était lasse. Lasse de tout. Victoire ne sait se satisfaire. Elle espère toujours plus. Et j'ai cru pouvoir être capable de lui apporter ce plus. Je me suis pensé apte à la faire vivre plus intensément. Je voulais tout voir, tout vivre. A cent à l'heure. Toujours à cent à l'heure. Je voulais la faire pleurer puis la faire rire la seconde qui suit. Je nous voulais ivres. En permanence. Ivres de vie, ivres d'amour, de colère, même de rage. Mais ivres. C'est ce qui nous avait rapproché ce soir-là et je craignais de la perdre si la réalité nous rattrapait. Ca nous a rendu hermétique au monde, aux autres. Et même au quotidien. Je voulais m'encrer en elle, qu'elle s'encre en moi, qu'on ne fasse plus qu'un. Certainement pour être plus fort. Et la garder pour moi. Je la voulais à moi, toute entière. Je voulais la rendre accro, comme dans l'attente permanente de ma présence. Je voulais lui manquer, tout le temps, et que mon absence devienne invivable. Et qu'elle vive dans la peur d'être seule, qu'elle se persuade qu'elle ne pouvait plus vivre seule. Qu'elle pleure mes silences, qu'elle pleure mes absences. Je voulais que Victoire crève de désespoir de ne plus me revoir. Et aujourd'hui pourtant, c'est moi qui ne dors plus. C'est moi qui ne sors plus. C'est moi qui guette ses gestes et ses appels. C'est moi qui crève de son absence, mais encore plus de son indifférence. 

Morgane.©


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire